Sortir d'ici (libre)

Le noir, le silence. Vide. Ce silence et ce vide que je ne supporte plus. Je n'arrive plus à rejoindre ce merveilleux pays. Celui où j'ai réellement une vie, ou je suis respectée pour ma réputation et mon travail. Ce monde étrange, remplit de créatures toutes plus étranges les unes que les autres, plus dangereuses aussi. Le seul endroit où je me sens chez moi. Je ne comprends pas... pourquoi m'ont-ils privée de ma précieuse boîte, l'essence même de ma vie ? Cette douce musique carillonnante qui me berçait tout d'abord chaque soir, puis à chaque réveil, pour me faire rentrer chez moi. Dans MA réalité. Tout ça c'est à cause de lui ! Ce maudit tyran qui m'a enlevée, dépossédée de mon âme et a achevé de me discréditer auprès de mes proches avant de m'enfermer dans cet asile... Mais je ne suis pas folle ! Enfin qu'importe, quoi qu'il m'en coûte, je reprendrais mon bien, je m'évaderais d'ici, et je rentrerais enfin chez moi.

Un coup d’œil périphérique me permet de déceler une once de lumière sous le maigre jour de la porte capitonnée. Certainement un infirmier de garde qui s'éclaire à la bougie en patientant jusqu'à la relève. N'ont-ils pas honte de m'enfermer ainsi tel un animal, dans le noir ?! Certes je voulais dépecer le garde ou je ne sais qui pour fouiller les lieux et alors ?! Un mort de plus, de moins... Ça ne changera pas la face du monde. Dans un accès de haine je tambourine à la porte en hurlant de colère, martelant l'ouverture à coups de pieds et de poings jusqu'à n'en plus pouvoir. En seule guise de réaction : les gémissements du veilleur de nous entendre tous marteler et crier pour obtenir liberté.

Ouvrez donc scélérats ! Vous ne l’emporterez pas au Paradis !

Quels lâches, qu'il viennent m'affronter en face, en singulier ! Mais malgré toute l'énergie que je dépense pour me faire remarquer, tout le monde s'obstine à ignorer mes protestations. Dépitée, je lance un dernier coup de poing avant de me laisser choir, dos à la porte. Le désespoir commence à m'envahir. Une douleur traverse ma main. En tâtant, je sens un liquide poisseux. Bravo ma grande, tu t'es encore blessée ! Pas grave, le manque commence à se faire sentir, ce qui veut dire qu'on viendra bientôt m'administrer ma dose de médicaments quotidienne et alors là, j'aurais une ouverture ! Alors même que je passais au crible les éventualités pour déjouer la vigilance de mes détracteurs, je vis le halo de lumière se rapprocher. Je rampais silencieusement à côté de la porte, plaçais quelques mèches de cheveux devant mon visage, étalait le sang de main avant de laisser cette dernière en évidence puis feint de dormir. Un bruit de clé dans la serrure. Un tour, deux tour, trois tour et la porte s'ouvre...

Le sang bas dans mes tempes, mes bras, mes jambes, partout. L'adrénaline a contracté chacun de mes muscles et c'est à mains nues que je m’apprête à sauter à la gorge du malheureux chargé de me droguer ce soir. Comme si j'allais me laisser assommer de produits chimiques. Alors que la lumière pénètre dans la pièce, c'est une voix de femme qui se fait entendre. Première surprise. Que je sois gentille ? Qu'elle, elle soit gentille, qu'elle me laisse sortir ! Alors que mon poing allait "effleurer" son visage, j’arrêtais net mon geste en constatant qu'elle n'était pas humaine. Comment était-ce possible ? L'aurait-ont arrachée à sa réalité elle aussi ? Non, c'est sûrement un piège ! Peut-être ais-je respiré un gaz hallucinogène ? Ils ne reculeront donc devant rien... Mais je ne me laisserait pas faire.

Mes doigts se resserrèrent sur la gorge touffue de l'infirmière. Le contact étrange avec sa fourrure me fit lâcher prise. Ils ne s'agissait donc pas d'une hallucination ! Reculant d'un pas, j'observais avec perplexité la créature.

Tu es quoi toi ? Pourquoi tu te laisses enfermer ici ?

Face à la nouvelle venue, des tonnes d'interrogations me harcelaient. Avait-elle été piégée ici elle aussi ? Était-elle retenue en otage ? Ou était-elle tout simplement complice de cette machination diabolique ? Au cœur de mes interrogations, j'envoyais valser d'un coup de pied le piètre plateau repas que l'on m'avait servit en début de soirée, sans que je n'y touche.

Je VEUX sortir ! Maintenant !

La colère inondait chaque parcelle de mon corps, pompée par mon cœur et véhiculée tout en moi par le réseau interminable de mes veines et de mes nerfs. Je n'avais jamais été enfermée comme cela et ce n'était pas maintenant que ça allait commencer. On ne traite ni la Lady, ni la Chasseuse que suis de cette manière, comme une proie, enfermée dans une cage, pour la seule satisfaction d'un traqueur invisible jubilant à l'idée 'd'élever" sa nourriture au lieu de l'abattre comme il le devrait. Si ma position n'était pas brillante je refusais d'être la proie de quiconque !

Alors que je continuait de bouillir, de m'insurger d'intérieurement, je ressentit une vive douleur au thorax. Sans que je n'ai le temps de le voir venir je venais d'être projetée contre le mur par un coup de pied de l'infirmière. Ce n'est pas le mur qui risquait de me blesser mais je ne parvenait pas à retrouver ma respiration. Tombant à genoux, j'écoutais avec un mélange de dégout et de crainte la tirade de mon assaillante. Je n'avais même pas remarqué la seringue qui s'était fichée dans ma peau, délivrant son venin sinueusement pour me déposséder du reste de mes moyens. En revanche, je sentait les griffes du monstres s'enfoncer, sensation qui contrastait parfaitement avec la douceur de sa fourrure. Douceur ? Mais qu'est-ce que je raconte moi ? Avant que ma vision ne finisse de se brouiller, alors que je retrouvais ma respiration, je défiais du regard la véritable prédatrice qu'elle était et lançait :

Plait-il ?! Moi au moins je ne fais parti de la collection de personne ! Je ne suis pas une fière créature déchue, avilie par l’appât de ma pâtée quotidienne, un rebut ! Tu n'as donc aucune fierté ?

Certes elle avait tous les atouts d'une redoutables prédatrice, et peut-être-même allait-elle me tuer, mais hors de question pour moi de me laisser asservir ou de lui faciliter les choses. D'autant plus qu'elle venait d'émettre une ouverture des plus intéressante pour moi. Ce que je lui proposait pour sortir ? [...] Reprenant ma dignité et luttant contre la drogue, je me remit sur mes jambes, m'appuyant sur le mur, et sans jamais lâcher son regard, les dents serrées. Cette louve carnassière faisait parti des puissants de cet endroit et mieux valait s'en faire un allier, hors de question de faiblir devant elle. Malgré les vertiges, je déclarais le plus assurément possible :

Pour sortir ? Je t'offre mes services... Lydie Lethe, chasseuse de prime. Désigne moi une tête à abattre et c'est comme si c'était fait. Mais d'abord, laisse moi sortir d'ici.

Je m'y revoyais déjà, traquant une proie imaginaire à travers la forêt alentours, le bonheur de l'air frais, saisissant dans le froid de la nuit, combiné à l'adrénaline et ses bouffées de chaleur... Et enfin, la sensation si jouissive de tenir ma proie entre mes mains, jusqu'à l'instant ultime de l'exécution...

La louve tenait des propos incohérents. Qui était donc cette "Angé" ? En tout cas, bien qu'elle le nie, j'étais parvenue à la toucher, à la faire sortir de ses gonds. Elle était donc loin d'être aussi insensible qu'elle le prétendait. Mon sternum me faisait souffrir mais je n'en montrais rien, hors de question de donner satisfaction à cette créature cupide et stupide. Sa fameuse liberté n'est qu'une douce illusion dont elle se berce, si elle était libre, elle ne serait pas obligée de faire ce boulot, les basses besognes, venir s'occuper des patients "difficiles". Oui tu as raison ma fille, comme tu le dis si bien tu "n'es rien". Moi je suis libre, moi j'ai mes principes et je m'y tiens, moi je refuse ma condition, car contrairement à toi, je suis humaine, et fière de l'être. Cette pensée, malgré l'assaut de la drogue m'arrache un sourire. Quelle plaisanterie ! Visiblement, elle refusait catégoriquement un éventuel contrat. Tant pis, il n'y a pas qu'elle dont je puisse me servir pour assouvir mes intérêts et crois moi la Chose, je peux être patiente quand je le veux...

Alors que je renonçais à me servir de cette dernière, je sentis quelque chose de chaud, humide, étrange, entrer en contact avec ma bouche. Malgré ma vision brouillée, je put distinguer la visage de la louve, à quelques centimètre du miens. Le dégoût m'envahit et je donnais un coup de tête en direction de l'animal. Qu'est-ce qu'elle raconte ? S'amuser avec moi ? Non mais elle rêve tout de bout cette folle ! C'est elle le jouer oui ! Attends un peu que je sortes d'ici toi... Tu finiras la laisses au cou et tu ramperas à mes pieds pour me supplier de t'achever.. A cause du produit qu'elle m'avait injecté, mes muscles se ramollissaient et je n'avais plus de perception du temps. Ma vision était non seulement flou mais elle ne captait plus toutes images non plus. C'est en saccadé que je vis l'immonde créature verrouiller la porte de la cellule et revenir vers moi. Elle me bascula sans difficulté vers le lit.

A nouveau, son immonde truffe entrait en contact avec mon visage au tient si délicat. Sous le coup de la révulsion, je tournais la tête sur la côté pour échapper à ce baiser et grognait :

Tu me prends pour une catin , hein le monstre ? C'est toi la catin ici, va moisir, va te faire prendre par les chiens errants, les bâtards ! Tu peux te la garder ta "proposition" ! Jamais tu ne te jouera de moi, je ne t'appartiens pas, sale chienne !

Je préfère encore largement rester enfermée ici à jamais que de répondre aux exigences tordues d"une sous race. Un vertige menace de me faire basculer dans un profond sommeil à tout moment, mais je dois lutter...